Nous descendons voir les Bidayuhs dans leurs longues maisons au Sud de Kuching. Sur le chemin, nous rendons visite aux ourangs-outans de Semenggoh.
Après nous être bien reposés et avoir enrichi la gamme de sous-vêtements de Benjamin un peu usée de deux magnifiques boxers en microfibres, nous sentons l’envie de repartir.
Le propriétaire de l’hôtel nous dépose en voiture à la gare routière. Sur le trajet il nous raconte un peu son parcours professionnel. Nous apprenons qu’il possède en fait différents hôtels dans la région, mais qu’il sépare les occidentaux des locaux, leurs coutumes étant incompatibles (les malais fument dans leur chambre par exemple). Il juge aussi sévèrement les malais qu’il trouve paresseux (comme en Malaisie continentale, ce sont les chinois qui font tourner l’économie).
Nous nous rendons compte que nous venons de rater -à une poignée de minutes près- le bus pour la réserve Semenggoh. Décomplexés, et habitués de la pratique, nous nous mettons donc en quête d’un conducteur bienveillant. En cinq minutes à peine, nous avons trouvé notre homme. Waima vient de rater son avion et décide de nous emmener jusqu’à la réserve histoire de faire quelque chose de son après midi…
Nous arrivons à 14h30, juste avant l’horaire des repas des « hommes de la forêt » (orang-outang). Nous laissons nos sacs à l’accueil, et achetons nos billets (10 RM/pers.), avant d’entamer l’ascension de la petite colline conduisant à la réserve.
Une orang-outang, Seduku, 45 ans, est déjà sur la plate-forme à notre arrivée. Grognon, elle nous tourne le dos en attendant qu’on lui apporte sa pitance. Les gardes sont très prudents et nous empêchent de l’approcher trop près. Nous sommes tous attirés par cet hominidé à l’air tranquille. Autour de nous les branchages des arbres s’agitent, et d’autres orangs-outangs font leur apparition dans les airs. Ils font leur petit numéro sur les cordes tendues entre chaque arbre.
Le ranger chargé de nourrir les singes arrive et distribue à chacun une belle quantité de bananes, ananas et autres fruits. Seduku se régale et nous le montre bien. Son petit fils vient la taquiner et lui piquer quelques bananes. Grand mère gâteau elle se laisse faire de bon cœur.
Le parc a aussi un enclos à crocodiles. Peu avant la fermeture nous avons la chance de voir une maman et son nouveau né descendre timidement des arbres pour venir chercher son repas. Nous sommes suspendus à ses mouvements et essayons d’entrevoir le petit, bien accroché au ventre de sa mère. Trop mignon.
Il faut maintenant nous dépêcher de redescendre, nous avions promis d’être en bas à quatre heures pour récupérer nos sacs. C’était sans compter les trombes d’eau qui s’abattent sur nous et nous forcent à nous abriter quelques minutes. Nous finissons la descente au pas de course et arrivons rincés (dans les deux sens du terme).
Nous prenons quelques minutes pour nous équiper contre la pluie torrentielle qui visiblement n’a pas fini de tomber. Nous voulons aller jusqu’à Kampong Benuk, un village avec une longhouse. Briten, un malaisien rencontré dans l’avion nous a dit qu’on pourrait dormir chez l’un de ses amis qui tient un homestay. C’est son village.
Nous trouvons un nouveau chauffeur qui rentre chez lui et peut nous déposer au passage. Très impliqué, il vérifie plusieurs fois où se trouve le homestay avant de nous y emmener. Malheureusement pour nous il est complet…
Nous n’avions pas vraiment de plan B et sommes maintenant loin de toute ville. Le déluge continue… La propriétaire nous conseille d’aller à Kampung Annah Rais, un autre village où elle nous assure que nous trouverons à dormir.
Notre chauffeur -adorable- décide de nous y emmener. Il ne veut pas nous laisser seuls… Après un essai infructueux nous finissons par trouver quelqu’un qui connaît un homestay où nous pourrions rester la nuit. Édouard vient nous chercher pour nous montrer sa maison. C’est plus que spartiate, et pas très propre, nous ne sommes pas très enthousiastes mais nous n’avons pas vraiment d’autres choix, nous ne voulons pas déranger notre conducteur plus longtemps.
En revenant chercher nos sacs, à la voiture, nous découvrons que la sœur de la dame qui nous a présenté à Édouard tient aussi un homestay ! Nous allons donc la voir. C’est dans une maison individuelle coincée entre deux longhouses, mais beaucoup plus cosy et charmant que chez Édouard. Alors que nous hésitons, le prix est divisé par deux (de 70 RM par personne à 70 RM pour deux), le prix semble donc ajusté à la tête du client. Nous nous excusons platement auprès d’Édouard et nous nous installons chez Joanne. Le repas qu’on nous sert est délicieux et tellement copieux que même Benjamin a du mal à finir ! Joanne et son mari sont très attentionnés et font tout pour que nous nous sentions à l’aise. Finalement nous sommes ravis de rester dans ce village touristique sans touristes.
Le lendemain matin nous marchons jusqu’aux sources d’eau chaude situées à deux kilomètres. Il fait chaud et nous nous faisons dévorer par les moustiques sur notre passage. La source principale est occupée par un groupe de quadra chinoises. Les eaux ne font de toute façon pas très envies et nous repartons.
Nous rentrons au village et explorons les recoins que nous n’avons pas encore vus. Les longhouses sont encore majoritaires. Très anciennes, elles sont en fait gardées pour les touristes car la jeune génération aspire à avoir sa propre maison.
Quasiment toutes les maisons sont en bambou, comme les rues suspendues. Ici tout le village est construit à quelques mètres du sol pour ne pas être inondé lorsque l’eau de la rivière monte.
L’économie principale du village semble se diviser entre le tourisme et la culture du riz. Les habitants font sécher les grains de riz au soleil.
À midi nous nous mettons en route pour tenter de rejoindre Sri Aman, une ville à quelques centaines de kilomètres.
Nous enchaînons le stop avec une gentille institutrice d’un des villages voisins et le bus jusqu’à Serian où nous trouvons par chance un conducteur qui passe la nuit à Sri Aman pour le boulot. Il est de l’ethnie iban.
Les îles malaisiennes et indonésiennes sont habitées par une multitude de groupes ethniques, génériquement appelés Dayaks (« peuples »).
Les Ibans sont majoritairement de religion chrétienne, comme les Bidayuh, mais se définissent comme des gens de la mer (appelés par les anglais Sea Dayak, par opposition aux Bidayuh, les « habitants de la terre », Land Dayak).
Ce sont les deux principaux groupes ethniques de l’Ouest de Bornéo (régions de Sarawak en Malaisie et du Kalimantan occidental en Indonésie).
Notre homme travaille dans la plus importante compagnie d’exploitation d’huile de palme, au capital principalement détenu par l’État malaisien. Avec Benjamin ils refont le monde pendant les trois heures de trajet.
Arrivés en ville, nous entrons dans le premier hôtel que nous voyons, il est entièrement réservé par une chinoise pour un événement corporate mais elle nous donne une des chambres en trop.
Nous allons manger au hawker juste en bas de l’hôtel et sommes l’attraction de la soirée, il n’y a pas beaucoup de blancs qui font halte dans cette ville. Nous retrouvons avec plaisir des poori comme à Calcutta, ils sont appelés ici roti.
Un jeune homme nous conseille de nous lever tôt demain pour avoir une chance d’observer le benak, le mascaret du fleuve Batang Lupar. C’est le seul endroit au monde ou le phénomène est quotidien, mais il n’est spectaculaire qu’une ou deux fois dans l’année.
Benjamin met le réveil sans grande conviction et nous allons nous coucher.