Un bref aperçu de la situation d’expatrié dans la cité-état d’Asie du Sud.
Nous prenons un vol depuis Krabi afin de nous faufiler dans une fenêtre de temps très réduite : notre ami Thibault, établi à Singapour depuis un an, rentre en France le 22. Nous trouvons un billet AirAsia qui nous permet de survoler la Malaisie pour le rejoindre rapidement.
Premier contact avec l’intransigeance singapourienne à l’aéroport lorsque nous tentons d’acheter nos tickets de métro. La machine n’accepte que les coupures de 10 dollars pour les montants compris entre 5 et 10 dollars. Benjamin pète un câble.
Thibault et Coralie habitent Tiong Baru, un quartier résidentiel historique en plein cœur de Singapour. il sont dans une des seules tours de condominium surplombant le quartier, au dernier étage avec une vue grandiose. On distingue la très nette fracture entre les HDBs (les logements sociaux gérés par le Housing and Development Board) des années 50 et ceux beaucoup plus récents de Boon Tiong Road, au second plan.
Coralie nous fait visiter le quartier. II est encore peuplé à majorité de Singapouriens « historiques » qui ne seront pas chassés de sitôt (le programme de construction de logements sociaux s’accompagnait d’un programme d’accession à la propriété), et il est donc possible de distinguer certains traits désuets de la vie singapourienne, comme les tiges de bambou accrochées aux balcons pour étendre le linge, ou de croiser des ateliers d’artisans chinois.
Pas de chance, l’emblématique marché circulaire est fermé pour travaux pendant un mois. Mais que l’on se console, Tiong Bahru Bakery et ses croissants au beurre est bien ouvert. Nous payons avec grand plaisir ce quatre heures hors-de-prix. Thibault nous rejoint après avoir réussi à se libérer d’une urgence au boulot.
Nous allons tous les quatre faire quelques courses dans le quartier, pour une crêpe party prévue demain soir. Charlotte est toute heureuse lorsqu’elle découvre des fromages de chez Mons, le fromager de sa grand-mère. Le vaste monde est décidément tout petit !
Thibault et Coralie vont au théâtre ce soir et nous proposent de les retrouver dans le quartier de Club Street pour prendre un verre avec leurs amis.
Le bar s’appelle O’Batignolles, mais aucun des serveurs indiens n’a jamais vu l’Europe… Nous rencontrons Camille et JD, deux autres français expatriés, la communauté française de Singapour est la seconde d’Asie. Nous commandons une bouteille et deux énormes planches de charcuterie. JD nous régale d’anecdotes bien drôles sur la société de service encore naissante et immature à Singapour.
La tentative de recréer une ambiance européenne se heurte rapidement à une constante asiatique : la vie nocturne se termine à 22 heures, et la cuisine ferme donc par anticipation à 21h30 malgré les protestations de Thibault. Nous finissons le vin sans charcuterie…
Le lendemain, nous allons bruncher au PS Cafe de Harding Road, où nous rencontrons Fanny, une amie de Thibault et Coralie qui travaille pour Total en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elle douche l’enthousiasme papouasiolâtre de Benjamin. Ce pays semble un peu difficile…
Nous attendons 45 minutes pour être assis, alors que le restaurant est à moitié vide… Le cadre verdoyant et le temps radieux nous met tous de bonne humeur.
L’après-midi, Thibault et Coralie nous baladent dans les différents quartiers de Singapour. Orchard Road, où nous trouvons dans un centre commercial un accessoire qui se révèlera indispensable pour notre appareil photo, Little India, singapouriennement chaotique (c’est à dire encore très policée), Arab Street et ses nombreux bars.
Nous passons devant Istana Kampong Glam, octroyée en 1819 par Sir Stamford Raffles au sultan Hussein Shah de Johor en échange de son pouvoir sur le comptoir. Mon royaume contre une maison… L’ancienne demeure abrite aujourd’hui le Malay Heritage Museum.
Après quelques longueurs dans le bassin en plein air de 50 mètres (!!) du condominium, c’est place aux spécialités bretonnes, avec que des produits français. Si les deux magasins Carrefour de Singapour ont fermés en 2012, on trouve facilement à se faire livrer des produits européens. Galettes de sarrasin, emmental, cidre, en compagnie de Catherine et Merlin, qui vivent dans un HDB à quelques pas. Lui, biochimiste de formation, partage avec Benjamin son expérience de scientifique en entreprise.
Benjamin expose ensuite sa dernière théorie sur la différence entre taxe touristique (consistant à faire payer un touriste en raison de son statut) et ticket d’entrée (donnant accès à un périmètre ou une prestation dans des conditions clairement définies). On paie en général sans trop rechigner le second, alors qu’on tente d’échapper à la première. Pourquoi ? Et d’embrayer ensuite sur le lien indéfectible entre éthique et contrôle social : pas de comportement éthique sans contexte social ou réglementaire adéquat. Coralie est sceptique.
Le lendemain, nous allons nous promener le long de la Singapore River en direction de Marina Bay Sand. Nous sommes hébétés de nous balader en plein centre-ville d’une des plus riches villes du monde sans subir aucune agression, sonore, visuelle ou olfactive.
Avant de traverser pour rejoindre Riverside Point, nous décidons de faire un petit détour par le parc de Fort Canning.
Nous jetons un œil au musée philatéliste de Singapour puis continuons sur Coleman Street jusqu’à la cathédrale St Andrews où se marrie un couple singapourien.
En empruntant St Andrew’s Road, nous passons devant la National Gallery puis traversons la pelouse vers Esplanade Park. Le CDB (quartier des affaires) se dresse en arrière-plan.
Nous atteignons enfin la promenade de Marina Bay, d’où nous pouvons admirer le bâtiment emblématique de Singapour, Marina Bay Sands. Moshe Safdie nous prouve qu’il est possible de concilier architecture avant-gardiste et beauté.
Nous pénétrons dans l’énorme complexe hôtelier sous la « barque ». Ne voulant pas payer les 23 dollars pour accéder à l’observation deck, Benjamin réussit à se faufiler entre le mur et le vigile pour attendre tranquillement l’ascenseur montant au bar du 57ème étage. Malheureusement Charlotte essaie de le suivre benoitement et se fait repérer. Nous sommes gentiment mais fermement redirigés vers la billetterie pour la plate-forme. Nous décidons de rentrer à pied en passant par Chinatown.
La vue nocturne ne déçoit pas depuis le 37ème étage de notre tour à Tiong Bahru.
La journée du lendemain est placée sous le signe de l’oisiveté.
Le 22 au matin, nous partons en métro vers Woodlands d’où nous prenons un bus pour rejoindre la péninsule malaisienne, empruntant l’itinéraire de milliers de travailleurs malais ou indiens qui viennent vendre leur force de travail dans le dragon asiatique, sans avoir les moyens d’en être.
Nos derniers dollars singapouriens changés contre des ringgits, nous embarquons dans un autobus pour Kuala Lumpur.