Retour de l’aventure puisque nous décidons de parcourir plus de 1000 kilomètres en stop pendant le week-end de Pâques…
Alors que Benjamin s’est commandé une énorme entrecôte frite pour un prix dérisoire dans le pub d’à côté, nous regardons les offres de covoiturage. Un type part demain et demande 60 dollars par personne, soit plus que le coût en essence du trajet. Nous lui faisons remarquer et il justifie son prix par rapport à l’avion et par le coût d’amortissement de la voiture. Il semble que certaines personnes ne saisissent pas la différence entre le covoiturage et l’exercice déguisé de la profession de taxi…
Nous irons donc en stop. Après avoir consulté Hitchwiki, nous choisissons de voyager par Princes Highway, la route côtière, plus longue que la Hume Highway, mais plus scénique. Nous prenons donc le train le lendemain jusqu’à la station Heathcote et nous plaçons à la sortie d’une station-service.
S’éloigner de Sydney sera difficile. Un groupe de jeune nous prend d’abord sur une quinzaine de kilomètres puis un homme sympathique nous conduit jusqu’à Wollongong. Il va y chercher du béton puis retourne à l’aéroport de Sydney chercher sa fille revenue de sa saison de ski en Europe.
Nous nous replaçons sur la rampe d’autoroute et rapidement une Citroën (!!) s’arrête. L’homme a l’intérieur nous dit qu’il est très dangereux de faire du stop en Australie, et fait référence à la série de disparition de backpackers dans les années 90. Il s’arrête peu avant Illawara choisir des carreaux pour sa nouvelle salle de bain.
Nous levons le pouce au milieu des embouteillages et rapidement une voiture un peu pourrie s’arrête. Elle va jusqu’à Nowra, nous montons et la poignée de porte reste dans la main de Charlotte. Le conducteur est en caleçon et ponctue chaque phrase d’un juron, il est content de nous rendre service parce que lui aussi a déjà hitchhiké. Il conduit comme un bourrin et est un peu excité ; sa compagne, d’origine aborigène, le regarde avec circonspection.
Nous sommes rapidement pris dans un engorgement dû au départ des habitants de Sydney en week-end de Pâques. C’en est trop pour notre homme pressé qui déboite sur la bande d’arrêt d’urgence et remonte à toute blinde en insultant tous ceux qui ne se poussent pas assez. Il est furieux, tour à tour insulte les conducteurs et s’excuse auprès de nous pour son langage. La situation manque de dégénérer lorsqu’un motard refuse de se pousser et roule ensuite au pas exprès. Heureusement le peu de lucidité qu’il reste à notre homme le retient de lui rouler dessus. Aucun policier ne viendra nous stopper tandis que nous continuons à remonter les files. Nous sommes soulagés d’enfin descendre à Nowra.
Nous avons toute la peine du monde à retrouver un bon endroit pour arrêter les voitures et après vingt minutes infructueuses, entreprenons de sortir de la ville à pied. Nous marchons trente minutes pour enfin nous positionner, il est déjà 17h30 et nous commençons à douter de notre capacité à aller plus loin lorsqu’une voiture s’arrête. Le conducteur commence à débarrasser la banquette arrière avant même que nous ayons pu engager la conversation. Il nous a déjà vu à Wollongong, mais n’avait pas eu le temps de s’arrêter. Cette fois il nous a repéré de loin et veut nous emmener jusqu’à Ulladulla où il habite.
Il s’appelle Danny et a beaucoup utilisé le stop pour se déplacer en Australie lorsque c’était encore une pratique commune. Nous sommes les seuls auto-stoppeurs qu’il ait vu depuis plusieurs mois. Il travaille dans les parc nationaux autour de Sydney, et rentre retrouver sa femme et ses deux enfants tous les week-ends. Il a passé trois heures dans les embouteillages (ceux que notre précédent conducteur a très efficacement évités). Il s’inquiète de nous voir errer dans la nuit pour trouver un emplacement pour la tente et propose de nous héberger. Nous acceptons avec plaisir. Sa maison est à Kings Point, au bord du lac Burrill. Elle est actuellement en travaux et nous sommes en fait accueilli dans le garage de la maison familiale, qui est aménagé avec une chambre et une salle de bain. Le chien nous accueille joyeusement et Myriam nous invite à dîner. Nous avons du mal à croire à la chance que nous avons après une journée de galère et relativement inefficace. Nous avons tout de même réussi à parcourir 120 km et dormirons au chaud après une douche. La bonne étoile de l’auto-stoppeur. Myriam a préparé une délicieuse soupe thaï, Benjamin se sacrifie pour finir. Nous parcourons un globe pour montrer les différentes étapes de notre tour du monde.
Le lendemain, Danny nous conduit à 8h30 sur l’autoroute. Rapidement un homme nous prend dans sa camionnette. Il livre des toilettes de chantier le long de la côte et nous dépose après quelques kilomètres. Nous trouvons immédiatement un nouveau conducteur qui nous avait déjà repéré à Ulladulla. Il mets ses clubs de golf dans la malle pour nous faire de la place.
Il rend visite à ses parents avec sa copine qui roule dans sa propre voiture juste devant.
C’est ensuite un serbe, Milan, qui nous fait faire un petit détour par sa maison à Narooma pour nous offrir le café et un gâteau. Il est très content de parler à des Français, peuple historiquement ami du peuple serbe.
Milan est de toute évidence terriblement seul, ses enfants, pourtant en Australie, ne lui rendent pas visite. Nous sentons bien qu’il aimerait prendre la journée pour nous faire découvrir la côte, mais vu notre efficacité, nous ne pouvons nous permettre aucun détour et nous lui demandons de nous reconduire sur l’autoroute.
Rapidement une fille seule nous avance jusqu’à la jonction avec Bermagui. Elle nous assure qu’il est bien dommage que nous n’ayons pas un jour ou deux à tuer avec elle. Puis un couple de quinquagénaires nous avance jusqu’à Quaama où ils font construire leur nouvelle maison. Ils ne sont pas très optimistes quand nous leur disons devoir atteindre Melbourne d’ici le lendemain soir.
Finalement un homme nous prend jusqu’à Bega et nous raconte moultes histoires d’embrouilles avec ses voisins, des dealers de drogues… Il va chercher son petit-fils, apparemment un délinquant invétéré malgré tous les sacrifices qu’il fait pour lui.
Il est 12h30 et nous nous retrouvons encore à lever le pouce. Nous n’avons pas beaucoup avancé ce matin malgré très peu d’attente. Nous commençons à douter de notre timing, allons nous manquer notre avion ? C’est le week-end de Pâques, nous ne pouvons donc compter sur aucun bus de secours.
Une voiture s’arrête, elle va jusqu’à Melbourne !! Les conducteurs sont un petit groupe d’amis Népalais étudiant à Sydney. Nous nous arrêtons au très beau point de vue de Eden.
À la station-service, un couple d’Australiens nous aborde : ils nous ont aperçu le matin même et sont très surpris de constater que nous avançons finalement aussi vite qu’eux !!
Après un arrêt dans une baie, nous faisons route jusqu’à Sydney, que nous atteignons assez tard, vers 10h30. Suite à un petit cafouillage, nous nous retrouvons à devoir commander un Uber pour rejoindre l’hôtel de centre-ville hors de prix que nous avons réservé sur Booking.
La journée du lendemain est très maussade. Nous n’aimons pas Melbourne. Nous parcourons quelques boutiques, sans conviction. La poste est fermée, ce qui nous empêche d’envoyer notre colis pour l’école, il commence à peser son poids.
Les religieux ont investi le centre-ville. Nous avons notamment droit à une performance théâtrale condensant les événements de la Semaine Sainte, suivi d’un témoignage poignant d’un ancien délinquant sauvé par Jésus, et conclu par un laïus du prêtre en délire. Un peu plus loin, des musulmans essaient d’expliquer à Benjamin qu’ils ne sont pas méchant puisqu’ils reconnaissent le prophète Jésus (Issa).
Nous sommes néanmoins chanceux de tomber par hasard sur un concert gratuit donné par les Young Symphonists du Australia Youth Orchestra à la belle salle Deakin Edge.
Nous avons beaucoup de mal à nous décider où manger, aucun des pubs ne nous faisant envie, avant de trouver un miraculeux kebab.
Nous allons ensuite nous promener le long du southbank dans l’espoir de trouver un bar sympa. Nous dénichons un saltimbanque talentueux, mais tout le reste est surfait.
Nous finissons au Ponyfish Island, un bar atypique au milieu de la rivière Yarra, où nous patientons dans un froid glacial, avant d’aller passer la nuit à l’aéroport.