Trek du Choquequirao, 4 – 7 juillet 2017


Première partie du récit de notre marche à destination du Machu Picchu.

 

4 juillet : San Pedro de Cachora en stop

Comme d’habitude, nous avons peine à nous mettre en route de bonne heure. Nous laissons quelques vêtements superflus à l’auberge et après un petit-déjeuner décevant (la boulangerie française n’était pas sur notre route), nous commençons à tendre le pouce tout en sortant à pied de la ville par la route Ouest en direction de la province d’Abancay.

Les abords de Cuzco sont infestés de taxi, le pire ennemi du stoppeur car non seulement ils lui font perdre son temps, mais ils l’occultent à la vue des potentiels véhicules personnels. Finalement, un chauffeur de taxi sympa passablement interloqué par notre concept : pour voyager plus longtemps, on ne paie pas les transports, nous conduit à la sortie de la ville. Rapidement un beau camion rouge à la remorque vide nous prend. Il est conduit par Elio, un sympathique brésilien originaire de Rio Branco.

 

À midi, Elio nous invite au restaurant. Les plats sont plus chers que d’habitude mais gargantuesques. Benjamin, pressentant l’effort à venir, finit le pollo a la plancha de Charlotte après avoir englouti son énorme lomo saltado.

Déjeuner avec Elio

 

Nous attendons Elio qui prend sa douche avant de repartir. Après 20 mètres, nous sommes en panne d’essence… Elio a oublié de basculer la pompe sur le second réservoir, Benjamin descend pour l’aider à réamorcer le circuit, puis nous repartons. Il s’en faut de peu pour que nous ne rations l’embranchement vers San Pedro de Cochora, point de départ de notre trek. Nous disons au revoir à Elio dans la précipitation, nous ne nous étions pas bien fait comprendre !!

San Pedro se trouve plus loin dans la vallée

 

Nous déclinons les offres des taxis et commençons à marcher avant d’être pris rapidement en stop par un camion réfrigéré jusqu’à San Pedro.

 

Nous visitons deux chambres bon marchés mais sans douche chaude, avant d’installer notre tente à l’auberge Casa Nostra où le camping est aussi cher qu’un lit (15 S/) mais la douche chaude (Charlotte paierait une fortune pour une douche chaude). Nous passons une très bonne première nuit.

 


5 juillet : de San Pedro à Santa Rosa, 24 kilomètres de mise en jambe

Au matin, nous découvrons que nous n’étions pas seuls à dormir dans cet hôtel, un couple canado-américain, acrobate au cirque du soleil, est arrivé tardivement. Nous sympathisons avant que leur chauffeur de taxi ne les conduise au début officiel du trek (à 11 kilomètres de San Pedro). Nous irons à pied.

 

Après le petit-déjeuner, nous rejoignons le canyon en suivant un chemin non-carrossable qui finit par rejoindre la piste au kilomètre sept. Nous sommes dépassés par plusieurs mini-vans remplis de touristes. Il semble bien que le trek ait gagné en notoriété par rapport à cette que nous en avons lu sur internet, et Benjamin s’inquiète.

 

Les petits groupes de touristes s’équipent et partent depuis le premier poste de contrôle juste avant le mirador de Capuliyoc. On donne ses noms et numéros de passeport, ainsi que sa destination finale. Benjamin devient très inquiet.

 

Suit une descente infernale de plus de 12 kilomètres pour atteindre le creux de la vallée où coule la rivière Apurimac. Sur le chemin, nous faisons la connaissance de Jerry, Marc et Ben, un groupe d’amis australiens qui sont tout de suite très gentils avec nous et très admiratifs de notre détermination à faire le trek en totale autonomie. Eux ont des mules qui transportent leurs bagages et tout le matériel de camping. Ils nous offrent des gaufrettes au chocolat et nous leur donnons rendez-vous au camping de Santa Rosa le soir même.

 

Les tours guidés ont droit à leur petite pause goûter dans une casa.

 

Peu avant le pont enjambant la rivière Apurimac, nous parlons pour la première fois à Michael, un américain qui a laissé tomber son filtre à eau Sawyer mini (révélant ainsi sa nationalité) devant nous. Charlotte le ramasse et commence à morigéner Benjamin… car nous utilisons exactement le même filtre. Michael paraît un peu fatigué et très lourdement chargé. Nous lui disons vouloir continuer jusqu’à Santa Rosa plutôt que nous arrêter au camping au bord de la rivière. Au point de contrôle, le ranger nous affirme que les trois kilomètres de montée vers Santa Rosa se négocient en une heure et trente minutes. Cela nous semble optimiste étant donné le dénivelé positif de 550 mètres… Il est un peu plus de quatre heures, ce qui nous laisse juste le temps d’arriver avant que l’obscurité n’enveloppe la montagne.

 

Ces trois kilomètres sont les plus durs que nous ayons marchés depuis belle lurette. Mais encore relativement frais physiquement (21 kilomètres seulement dans les pattes), nous en venons à bout dans la douleur et la bonne humeur. Il y a deux campings à Santa Rosa, nous prenons à gauche, vers celui à l’affiche la plus alléchante. Malheureusement la tienda est en rupture de cerveza. La dame nous demande immédiatement si nous voulons qu’elle cuisine pour nous le traditionnel arroz con papa frita y uves riz, frites, surmontés d’un œuf sur le plat, pour la modique somme de 10 S/ par tête, mais nous déclinons puisque nous voulons écouler nos provisions pour nous régaler et nous alléger. Nous payons nos 5 S/ et plantons la tente sur un promontoire désert. Il n’y a qu’un couple de danois installés en bas avec toute leur équipe.

Dépose du bagage

 

Nous filons nous doucher à l’eau froide, et propre comme un sou neuf, Charlotte s’attelle à la préparation d’une délicieuse polenta au bacon et potiron (oui, nous portons un potiron en randonnée…) sous le regard admiratif de nos amis australiens arrivés sur le tard. Nous dévorons le repas avant d’être invités à prendre l’apéro (post-dinatoire) sous la tente salle à manger, malgré la réticence à peine masquée de leur guide. Il n’y a pas d’alcool, c’est thé/pop-corn. Benjamin, pressé de questions sur le cerveau, se lance dans une longue digression sur la possibilité ou non d’une intelligence artificielle. Ben a envisagé embrasser une carrière scientifique en génétique des populations avant de vendre son âme à la société libérale en devenant avocat spécialisé dans les contentieux de biotechnologie. Nous parlons longuement avant d’aller nous coucher pour les laisser manger.

 


6 juillet : Santa Rosa – Choquequirao, 13 kilomètres de promenade

Nous nous réveillons un peu avant 7h, les groupes sont déjà prêts à partir. Après un petit-déjeuner à base de beurre, pain et café, nous plions la tente et nous partons affronter cette deuxième journée. Tous les groupes nous précèdent d’au moins une heure, (les marcheurs, pas les mules dont le chargement prend du temps). Néanmoins sur le chemin nous rencontrons deux viennois accompagnés de leur guide, plutôt loquace et au rythme péruvien : tranquillo. Benjamin sympathise aussi avec deux étudiants péruviens dont nous ne comprenons pas complètement les raison de la présence sur ce site. Ils font beaucoup d’effort pour communiquer avec nous, ce qui aide à faire passer la montée jusqu’au village de Marampata, assez raide.

 

Nous résistons à l’appel de nos ventres, aidé par la frugalité du menu proposé, constitué de riz, frites et œuf… Pour changer !

Ce repas n’est pas du tout représentatif de la cuisine péruvienne qui est bien plus fine et diversifiée que cet empilement de féculents trop chers.

Charlotte déçue du menu

 

Nous croisons les acrobates du jour précédent, qui ont décidé de s’arrêter dans le camping du village. Nous les regardons monter leur tente avec intérêt car ils ont aussi une Big Agnes très légère, mais dans une conception double toit et double ouverture qui limite la condensation. Michael, pour qui nous étions un peu inquiets la veille s’accorde également quelques minutes de repos. Un des aspects vraiment sympathique de la randonnée sur plusieurs jours est ce lien assez rapidement créé avec les autres marcheurs, que l’on prend plaisir à retrouver le soir, d’une étape sur l’autre.

Nous devinons le site au loin, enfoui sous la végétation.

 

Au poste de contrôle, nous faisons la désagréable découverte que le prix a augmenté significativement comparé aux infos que nous avions. Aujourd’hui il faut compter 30 S/ par personne sur présentation d’une carte d’étudiant internationale, 60 S/ sinon. Grâce à une carte périmée et une opération charme en plusieurs mouvements nous obtenons deux entrées étudiants, et remercions chaleureusement le gardien tout en lui promettant de n’en piper mot au Machu Picchu.

Après une présentation succincte du site sur dépliant, le ranger nous promet que nous atteindrons le camping en quarante minutes. Une heure plus tard, nous en foulons enfin l’herbe. Benjamin est proche de l’apoplexie car il est bondé, les groupes prennent toute la place avec leurs énormes tentes et un cuistot nous empêche même de planter la nôtre sur un emplacement libre car « il attend un gros groupe de dix personnes »… Finalement nous trouvons un petit bout d’herbe tranquille au fond du camping et gardons une place pour notre camarade Michael qui ne devrait pas tarder.

Le muletier des Australiens

 

Nous nous préparons exceptionnellement un déjeuner à base de soupe de pâtes chinoises agrémentées de chou, tomate et champignons. Nous parlons avec les deux danois qui ont prévu de faire la randonnée jusqu’au Machu Picchu en sept jours. On se demande s’ils sont bioniques.

Plus tard nous découvrirons qu’en fait ils ont pris un collectivo entre Yanama et Playa, gagnant ainsi deux jours de marche – les tricheurs.

 

Nous utilisons la fin d’après-midi pour explorer les sites en contrebas du camping. En descendant nous découvrons un terrain de foot et une grande maison façon hangar qui abrite les tentes des archéologues et des jardiniers.

 

Choquequirao n’est qu’à trente pour cent sorti de la jungle, et une fois complètement défriché il pourrait être aussi grand que le Machu Picchu.

Nous découvrons avec émerveillement le travail de terrassement inca. Nous apprécions d’autant plus nous balader dans ce dédale que nous sommes totalement seuls sur le site ! Ce qui est d’ailleurs assez fou compte tenu du nombre de personnes présentes dans le camping ! On dirait que personne ne descend ici : Paqchayoc n’est en effet qu’un secteur « secondaire » qui fournissaient probablement des suppléments de culture céréales au site principal, situé plus à l’ouest.

 

En remontant nous engageons la conversation avec la cuisinière. Nous avons repéré quelques saucisses qui pendent dans le garde-manger et nous voudrions en acheter une si possible. Nous lui expliquons que nous faisons tout le trek seuls et que nous portons toute notre nourriture. Une collègue se joint à la conversation et nous parlons peu à peu de notre tour du monde. Elles sont tellement gentilles toutes les deux que nous repartons avec une saucisse et quatre carottes généreusement offertes.

 

Benjamin va faire un tour sur quelques terrasses isolées, tandis que Charlotte rentre au camping.

 

La douche est glaciale et capricieuse (pire que la douche froide, la douche froide qui arrête de couler pile-poil quand on est couverte de savon) mais revigorante à souhait.

Nos amis australiens nous invitent à nouveau pour l’apéritif au pop-corn. Leur guide est toujours aussi renfrogné et ne nous aide pas beaucoup à trouver deux sièges pour nous asseoir. Il peine aussi à nous dénicher deux tasses pour boire notre tisane. Mais les encouragements des australiens finissent par avoir raison de sa mauvaise volonté.

Le soir, nous préparons un petit repas à base de purée, saucisse et carottes. C’est la fête. Nous essayons de faire un petit feu mais le bois est trop vert et ne fait que fumer.

 


7 juillet : visite du Choquequirao et nuit à Pinchauniyoc

Lever difficile à 5h30 afin de grimper sur le site principal voir le lever de soleil.

 

Au début nous sommes un peu déçus car les terrasses de la veille nous ont beaucoup marquées, mais finalement nous arrivons sur une esplanade et avons une vue dégagée sur la partie principale du site.

 

Il n’y a personne encore et cette vue plongeante nous laisse cois. Nous entendons un groupe qui monte (en hurlant de bon matin sa joie de découvrir ce lieu magique) et décidons de nous éloigner un peu en déambulant dans les ruines. Nous manquons d’informations sur la fonction de chaque édifice mais nous apprécions ces vieilles pierres.

 

Nous montons jusqu’au secteur I, le plus haut.

 

Puis descendons au point le plus bas pour voir les « terrasses aux lamas » (le secteur VIII). Elles se méritent, car il faut compter presque trente minutes bien bien raides. Nous sommes les seuls à être descendus admirer l’art de la mosaïque inca. Nous restons absorbés en imaginant l’apparence grandiose du complexe une fois découvertes toutes les ruines encore dissimulées sous la végétation…

 

Nous retournons au camping sur le coup des onze heures pour prendre un rapide petit déjeuner et empaqueter nos affaires.

 

Nous avons décidé de ne pas rester une nuit de plus dans ce camping mais d’avancer un peu afin de prendre de l’avance sur la journée du lendemain qui s’annonce comme l’une des plus difficile.

Il faut d’abord monter jusqu’au col de Choquequirao, et c’est bien difficile en raison de la chaleur.

Passage du col de Choquequirao

 

Nous descendons ensuite vers le Rio Blanco, le chemin est comme d’habitude encombré de mules.

 

Le site de Pinchanuyoc est envahi par les tentes… Tous les détergents, shampoings, et savons sont déversés dans le système d’irrigation qui court au milieu des terrasses. Du grand n’importe quoi…

 

… auquel nous décidons de participer à notre modeste échelle : nous sommes épuisés, le sol est plat, et l’eau est courante. Benjamin persuade Charlotte que le coût marginal de notre bivouac par rapport à celui de l’armada de tours organisés est ridicule. Et puis, nos amis australiens sont là, et nous nous sommes habitués à nos pop-corn.

L’accès aux terrasses est totalement libre !! Benjamin les explorent de fond en comble, jusqu’au coucher du soleil.

 

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